Bientôt des batteries structurelles, pour un stockage d’énergie « sans masse » ?

Bientôt des batteries structurelles, pour un stockage d’énergie « sans masse » ?

7 juin 2022

Une batterie structurelle est un multimatériau capable d’assurer des propriétés structurelles tout en stockant de l’énergie électrochimique. Une équipe de chercheurs vient de présenter un nouveau type de batterie structurelle dont les performances sont 10 fois supérieures, aussi bien en termes de stockage d’énergie électrique que de rigidité ou de résistance mécanique.

Le poids des batteries est actuellement un frein au développement des avions électriques et un handicap au développement de véhicules propres. Ces travaux conduits par des chercheurs suédois de la Chalmers University of Technology, en collaboration avec l’Institut royal de technologie KTH de Stockholm, ouvrent la voie vers un stockage d’énergie « sans masse ».

Une technologie qui associe stockage d’énergie et résistance mécanique

Si le concept de batterie structurelle n’est pas nouveau, les résultats obtenus jusqu’à présent n’étaient pas à la hauteur des attentes. En 2007, l’US Army Research Laboratory (ARL) réalisait ainsi la première tentative de fabrication d’un composite structurel stratifié. Malheureusement, la batterie structurelle composite obtenue n’était pas en mesure de stocker l’énergie électrochimique à cause d’une mauvaise isolation électrique. Elle présentait en revanche des caractéristiques mécaniques intéressantes.

Entretemps, plusieurs tentatives ont été réalisées par d’autres, via notamment l’utilisation d’électrolytes en gel et de nouveaux types d’électrodes, mais les propriétés mécaniques étaient cette fois trop faibles.

Jusqu’à présent, aucune technologie de batterie structurelle ne semblait présenter à la fois une bonne capacité de stockage d’énergie et une résistance mécanique suffisante.

Un nouveau type de batterie structurelle plus solide, à base de fibre de carbone

La nouvelle technologie de batterie proposée par l’équipe de chercheurs est constituée d’une électrode négative en fibre de carbone, d’une électrode positive composée d’un film d’aluminium, d’un séparateur en fibre de verre et d’une matrice électrolyte structurelle (SBE).

Elle est le fruit de nombreuses années de recherche, leurs travaux ayant été désignés par Physics World comme l’une des dix plus grandes percées scientifiques de 2018.

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Étapes de fabrication d’un composite structurel pour batterie (Crédit : Adv Energy and Sustain Res, Volume: 2, Issue: 3, First published: 27 January 2021, DOI: 10.1002/aesr.202000093)

Le papier publié récemment en open access dans le journal Advanced Energy & Sustainability Research met ainsi en avant des performances intéressantes. Avec une rigidité de 25 GPa, ce prototype de batterie structurelle est en théorie capable de concurrencer de nombreux matériaux du marché.

Par ailleurs, la batterie qu’ils ont développée a une densité d’énergie de 24 Wh/kg, ce qui équivaut à environ 20 % de la capacité d’une batterie lithium ion. Si cela peut paraître peu, il faut aussi prendre en compte que ce matériau permettra d’alléger les véhicules en intégrant directement la batterie dans leur structure. La consommation d’énergie d’un véhicule en fonctionnement sera ainsi considérablement réduite, ce qui est susceptible de diminuer fortement l’empreinte environnementale.

Une infinité d’applications sur le long terme

Leif Asp, premier auteur de l’étude, est enthousiaste, et indique dans un communiqué de presse :

« La batterie structurelle de prochaine génération a un potentiel fantastique. Si l’on considère les technologies grand public, il serait tout à fait possible, d’ici quelques années, de fabriquer des smartphones, des ordinateurs portables ou des vélos électriques qui pèsent deux fois moins qu’aujourd’hui en étant beaucoup plus compacts ».

Sur le long terme, ce type de batterie a probablement une portée bien large. Lorsque les performances seront suffisantes et que la technologie sera mature, il deviendra alors imaginable de concevoir des avions, des voitures ou encore des satellites alimentés par ce type de batterie structurelle ultralégère.

Leif Asp confirme ainsi que leurs travaux suscitent un fort intérêt de la part d’industriels de différents domaines. Ils viennent ainsi de lancer un nouveau projet financé par la Swedish National Space Agency. Son but est d’améliorer les performances des batteries structurelles en remplaçant par exemple la feuille d’aluminium à l’électrode positive par de la fibre de carbone, afin d’améliorer la rigidité et la densité d’énergie.

Car les performances sont encore largement améliorables. Leif Asp, professeur à Chalmers et responsable du projet, estime ainsi qu’une densité énergétique de 75 Wh/kg et une rigidité de 75 GPa sont des objectifs réalistes. Si de tels chiffres sont un jour atteints, les batteries structurelles de prochaine génération seront alors aussi solides que l’aluminium, mais bien plus légères.


Source : techniques-ingenieur.fr