Paris Automotive Summit 2024 : décryptage des enjeux & défis de l’industrie Automobile

Paris Automotive Summit 2024 : décryptage des enjeux & défis de l’industrie Automobile

16 octobre 2024

Dans le cadre de la 90ème édition du Mondial de l’Automobile de Paris et dans une période de défis majeurs pour la filière, la PFA a réuni plus de 3 000 participants le 15 octobre matin pour un Summit où les dirigeants mondiaux du secteur ont détaillés leurs différentes visions de l’avenir. NextMove, pôle de compétitivité dédié à l’automobile et aux mobilités durables, était présent pour offrir son expertise sur l’évolution du marché, la transition énergétique et les défis à venir évoqués lors de cette journée. Les 3 principaux thèmes à retenir de cette édition 2024 : consensus sur le véhicule électrique, souveraineté industrielle de l’Europe et renforcement de la coopération.

La filière automobile française face à des défis sans précédent

Luc CHATEL, Président de la PFA, a mis en avant la résilience de la filière automobile française, sa capacité d’innovation et les investissements colossaux réalisés par l’ensemble des acteurs pour répondre aux enjeux de décarbonation. Il a également rappelé que l’ensemble des Français restent fortement attachés à l’automobile (83% disent ne pas pouvoir s’en passer). Il a toutefois lancé un cri d’alerte : « l’heure est grave, la filière automobile est en grand danger ». En effet, les investissements pour l’électrification des véhicules ont été fait mais les clients ne sont pas au rendez-vous, les ventes de véhicules électriques ralentissent, la production automobile française reste au plus bas (1,5 millions de véhicules prévus en 2024), la concurrence chinoise est forte, les réglementations et incentives sont instables et trop complexes.

« L’heure est grave, la filière automobile est en grand danger […] Personne ne gagnera seul : il faut se rassembler, dialoguer, construire des partenariats… »

Luc Chatel, Président de la PFA, filière nationale Automobile & Mobilités

La PFA met en avant trois réponses pour faire face à cette situation :

  • Ne pas ajouter une crise à la crise : continuer à stimuler la demande de VE (bonus) et ne pas surtaxer les ventes de véhicules thermiques (revoir les pénalités CAFE prévues en 2025)
  • Renforcer la compétitivité : baisser le prix de l’énergie et le coût du travail, maintenir les aides à l’innovation et harmoniser les règles au sein de l’Europe
  • Avoir une vraie stratégie pour la filière au niveau européen et passer un contrat entre tous les acteurs comme cela a été fait au niveau français avec le CSF Auto (sur l’innovation, la compétitivité industrielle et les compétences)

Pour NextMove, ce constat appelle à une mobilisation collective de l’industrie, mais aussi à un renforcement des soutiens nationaux et européens. Marc Charlet, directeur général de NextMove, souligne : « Nous devons impérativement accompagner nos entreprises pour qu’elles puissent innover plus rapidement et répondre aux nouveaux défis de la compétitivité mondiale. Ce sont les collaborations entre industriels, institutions et territoires qui permettront de construire une industrie automobile plus durable et performante ». Très concrètement, NextMove accompagne cette année encore ses PME et ETI membres dans la diversification de leurs activités, la redéfinition de leur stratégie ou encore l’amélioration de leur performance opérationnelle, dans le cadre du dispositif de soutien aux entreprises du secteur automobile de la PFA et de la Direction Générale des Entreprises.

EnBref

  • Résilience, innovation, mais danger imminent pour l'industrie
  • L’électrification doit être soutenue pour éviter un effondrement
  • Une stratégie collective pour renforcer la compétitivité face à la concurrence internationale

L’électrification, seule voie possible pour l’avenir de l’automobile

Luca DE MEO, CEO du Groupe Renault, a évoqué la route sinueuse sur laquelle l’ensemble de la filière se trouve, qui nécessite un pilotage continu de la trajectoire. Il plaide pour un ajustement des règles CAFE 2025 afin de les adapter aux réalités du marché. Il reste toutefois totalement engagé sur le déploiement du VE estimant que c’est la meilleure technologie d’un point de vue analyse de cycle de vie complète, mais également sur un grand nombre de prestations pour les clients (silence, accélération, absence de vibrations...) : « ce sera le futur, pas de retour en arrière possible ».

La Chine est le pays leader sur les véhicules électriques. Les européens doivent apprendre de leurs concurrents et « se connecter à l’écosystème chinois pour en capter le meilleur » dans une logique de coopétition (coopération + compétition). « Les frontières traditionnelles bougent, le centre de gravité de l’industrie automobile n’est plus l’Europe ni les Etats-Unis mais la Chine ». Il souligne les efforts énormes déjà accomplis et restant à réaliser pour être compétitif en Europe en donnant l’exemple de la production de la nouvelle R5 : « le coût de l’électricité est le double du coût de la main d’œuvre ». Il insiste sur le besoin persistant d’injecter de l’innovation, d’être focus sur les clients et de jouer collectif car c’est ainsi que l’industrie européenne aura le plus de chances de reprendre le dessus.

EnBref

  • La route vers le véhicule électrique est irréversible
  • Coopétition avec la Chine pour capter les meilleures innovations
  • L’Europe doit maintenir le cap sur l’innovation pour rester compétitive

L’innovation collaborative est dans l’ADN de NextMove depuis sa création. Le pôle accompagne ses membres dans leurs projets R&D et d’industrialisation du véhicule électrique. Le volet des compétences n’est pas en reste car le pôle est partenaire de l’E-Mobility Industry Academy, une académie industrielle novatrice spécialisée dans la formation autour de l’électromobilité. Elle propose des programmes pointus pour préparer les futurs métiers du secteur, avec trois industriels majeurs : Renaut Group, Forvia et RenaultTrucks.

Pragmatisme et neutralité technologique pour une compétitivité durable

Oliver ZIPSE, CEO de BMW, souhaite que la réglementation soit au service de la compétitivité européenne. Il met en avant l’importance de la neutralité technologique (la réduction des émissions de CO2 doit être l'unique objectif), du développement de l’infrastructure de recharge, y compris hydrogène et souligne la nécessité d’être pragmatique par rapport au marché. C’est dans ce cadre qu’il appelle à revoir l’interdiction des nouvelles voitures thermiques à partir de 2035. Il n’est pas favorable aux taxes sur les véhicules chinois. Il encourage à ne pas avoir peur de la compétition et prône pour l’innovation et non pas l’isolement. Parmi les technologies prometteuses, il met en avant le leadership technologique des européens sur l’hydrogène ainsi que les carburants alternatifs comme les e-fuels.

EnBref

  • La réglementation doit favoriser la réduction des émissions de CO2 sans freiner l’innovation
  • Le développement des infrastructures de recharge est essentiel pour l’avenir

Le Software Defined Vehicle, révolution majeure pour l’industrie

Christophe PERILLAT, CEO de Valeo, a orienté son intervention sur le SDV (Software Defined Vehicle) en affirmant qu’il s’agissait de la prochaine révolution automobile. Cette technologie vise à remplacer la centaine de calculateurs présents dans un véhicule par une architecture simplifiée et centralisée mutualisée entre différents modèles. Elle permettra une adaptation du véhicule tout au long de sa vie, la création de nouveaux business models, la réduction des coûts de développement et le renforcement de la cybersécurité.

« Le Software Defined Vehicle est la prochaine révolution. C’est en travaillant ensemble que nous pourrons maximiser les bénéfices de cette innovation »

Christophe Périllat, PDG de Valeo

Concernant la situation actuelle de la filière il prévoit que l’électrique va continuer à prendre des parts de marché. Il est toutefois inquiet sur le gap de compétitivité entre l’Europe et la Chine (perte de 25% de compétitivité de l’Europe en 5 ans). Il pense que les taxes et les droits de douane ne sont pas la réponse. Il suggère plutôt d’imposer un contenu de technologies dans le véhicule, sourcé localement, pour protéger l’écosystème. Un éclairage par des dirigeants d’autres secteurs d’activités a permis d’avoir une ouverture intéressante sur leurs enjeux et une vision extérieure sur les transformations en cours de notre filière.

NextMove, en tant que pôle de compétitivité et tiers de confiance de la filière, joue un rôle pivot dans la structuration de ces collaborations, favorisant les synergies entre acteurs de la mobilité, de l’énergie et de la technologie.

En Bref

  • Une architecture centralisée pour plus d’efficacité, de nouveaux business models et une meilleure cybersécurité
  • L’Europe doit combler le fossé de compétitivité avec la Chine sans recourir aux taxes

Le prix de l’énergie, facteur clé de la compétitivité industrielle

Patrick POUYANNE, CEO de Total Energies, a indiqué que son entreprise vivait la même transition que l’industrie automobile avec le passage du fossile à l’électrique. Il confirme que le prix de l’énergie est un facteur essentiel de compétitivité pour l’industrie. En Europe le prix de l’électricité est directement lié au prix du carbone fixé par le parlement européen. Ce n’est pas le cas sur les autres continents et cela crée des distorsions importantes.

Selon lui, le standard pour la mobilité de demain sera le véhicule électrique à batteries, y compris pour les poids lourds, total Energies engage d’ailleurs des investissements pour des chargeurs Mega Watts entre le nord et le sud de l’Europe. Il ne voit pas de place pour les e-fuels, beaucoup trop complexes à produire pour adresser le marché de l’automobile car « 10 fois plus cher que l’essence ». Il est préférable de produire des bio-fuels. Il ne croit pas non plus à l’hydrogène pour le mass market car les rendements ne sont pas bons et il ne sera pas possible d’investir sur les deux infrastructures (électriques et hydrogène).

En tant que partenaire d’ACC, il indique que deux challenges restent à relever : la courbe d’apprentissage qui est toujours en cours car la chimie des batteries est très complexe à maitriser et le prix de l’électricité, car les giga-factories sont énergivores.

EnBref

  • L’industrie automobile et le secteur de l’énergie partagent les mêmes défis de transition
  • Les véhicules électriques à batteries, standard pour la mobilité de demain

La voiture devient un smartphone sur roues grâce à la connectivité

Cristel HEYDEMANN, CEO d’Orange, confirme que « la voiture devient un smartphone sur roues ». La connectivité est essentielle pour les systèmes d’intertainement et la mise à jour des logiciels du véhicules. L’infrastructure du réseau de télécommunication est prête pour adresser tous les enjeux de connectivité, de cybersécurité, d’interopérabilité, de véhicule autonome.

Elle insiste sur la nécessité de travailler en écosystème, comme c’est le cas dans la Software République où Orange est partenaire. L’intelligence Artificielle va prendre une grande place dans le monde automobile. Il faut donc investir plus dans l’automobile en France sinon la Chine pourrait devenir leader mondial sur ce marché.

En Bref

  • L’IA et la connectivité sont au cœur de l’évolution des véhicules autonomes
  • Investir dans l’automobile est crucial pour éviter que la Chine prenne le leadership mondial

La course pour la décarbonation doit s’accélérer

Carlos TAVARES, CEO de Stellantis, affirme qu'il n'est plus envisageable de contester la réglementation européenne CAFE de 2025. Il faut avoir des règles claires et stables et laisser faire la « compétition » entre les acteurs. Il regrette le manque de cohérence dans les réglementations en Europe et dans le monde « we have one global warming, but no global regulation ». Il met en avant les enjeux du changement climatique et appelle l’ensemble de la filière à se mobiliser : « Nous avons tous une responsabilité vis-à-vis du changement climatique » et nous devons accélérer et non pas reculer : « 2025 sera dur mais qu’est-ce comparé au fait que la planète est en feu ? ». Selon lui la seule voie est de faire la course, de s’adapter contre les concurrents, sinon c’est la théorie de Darwin qui s’appliquera. Il estime que la consolidation du secteur n’est pas terminée. Pour Carlos Tavares, il faut apprendre à travailler ensemble pour relever les challenges qu’il y aura dans les années à venir et particulièrement sur la décarbonation pour atteindre un objectif Carbon Net Zero.

« Nous avons un seul réchauffement climatique, mais pas de réglementation mondiale »

Carlos Tavares, CEO de Stellantis

NextMove est en totale adéquation avec cette approche, les défis à venir ne peuvent être relevés que par l’innovation, l’adaptation et la collaboration à l’échelle européenne. Cet appel à l’action résonne particulièrement pour NextMove, dont l’objectif est d’accélérer la transition vers une mobilité décarbonée, qui a de surcroît une forte action vers l’Europe depuis 2012, en portant des projets européens, en accompagnement ses membres sur de nombreux projets européens et en accueillant régulièrement des délégations européennes afin de découvrir les innovations et savoir-faire français.

En Bref

  • L’industrie automobile doit s’adapter aux régulations et s’engager pleinement dans la lutte contre le changement climatique
  • La consolidation du secteur est nécessaire pour relever les défis futurs

Soutien du gouvernement pour la transition et la compétitivité de la filière

Antoine ARMAND, Ministre de l’Economie, conclu la journée en réaffirmant le soutien du nouveau gouvernement à la filière automobile et la non remise en cause de l’objectif 2035. Il indique que l'exécutif allait explorer « toutes les flexibilités » pour assouplir les objectifs CAFE fixés par l'Europe à partir de 2025 compte tenu de la somme colossale d’investissements déjà réalisés par la filière. Il confirme le maintien d’aide à la demande de VE à travers le bonus et le leasing social pour un montant de 1 milliard d’euros dans le budget 2025 tout en soulignant que seulement 20% des véhicules bénéficiant du bonus sont produits en France, « on doit pouvoir faire mieux ». Il a rappelé l’objectif de 2 millions de véhicules électriques et hybrides produits en France à horizon 2030. Des amendements pourront par ailleurs être étudiés pour alléger le malus tel que prévu dans la première version « perfectible » du budget. Il souligne également que les flottes professionnelles ont un rôle à jouer dans la transition et doivent respecter les seuils qui leur sont fixés, ce qui n’est pas le cas actuellement, il y sera attentif.

Pour le soutien à l’innovation, il annonce : le financement de six nouveaux projets dans le cadre du CORAM 2024 pour plus de 30 millions d’euros, le lancement d’un nouvel appel à projets « Invest Auto » pour 2025, la préservation du CIR et la poursuite des efforts de simplification. Il insiste sur la responsabilité des grands groupes pour soutenir l’écosystème de la filière en France.

Un soutien essentiel pour NextMove, qui continuera à œuvrer au développement de la filière en facilitant les collaborations entre ses membres et en participant activement à la création d’un écosystème d’innovation robuste sur ses territoires. Le pôle est déjà très actif pour ses membres sur le CORAM et Invest Auto, entre autres.

Le ministre souligne que l’industrie doit développer une conscience écologique, car l’enjeu est énorme pour comprendre comment lutter contre ce dérèglement climatique. Quand bien même Paris est le berceau du salon de l’automobile, il faut apprendre « à sortir de la capitale » pour montrer comment les zones rurales et villes de France font « tourner » l’industrie automobile, la France comptant près de 800 entreprises automobiles.